Contexte des ateliers

Dans le cadre de ces ateliers où les chaussures sont déconseillées, les élèves d’une classe du gymnase de Chamblandes se sont prêté·e·s, les pieds dans l’eau, au jeu de la pêche aux macroinvertebrés dans trois rivières de la région Lausannoise; le Flon-Morand, la Chamberonne et la Sorge. Le but de l’opération : avoir un aperçu de la qualité de l’eau dans les différents cours d’eau en déterminant les espèces présentes dans les quelques vingt échantillons prélevés pour l’exercice et en les rapportant dans les documents prévus à cet effet et dont le contenu et la méthodologie sont diffusés au travers du document pédagogique proposé par Pronatura intitulé À l’eau!.

Le concept derrière une telle étude qui consiste à observer et dénombrer les individus de chaque espèce observée lors des prélèvements effectués s’appelle la bioindication. En effet, la qualité d’un cours d’eau peut être décrite au travers d’une fine observation des discrets habitants des cours d’eau. Deux espèces différentes n’auront pas les mêmes exigences écologiques et ne seront donc pas sensibles de la même manière aux pollutions qui leur seront infligées. Cet exercice permet de faire un lien direct entre la biologie, les sciences de l’environnement et d’une manière plus générale, d’avoir un aperçu sur les répercussions que la société et son fonctionnement engendrent sur l’eau. Rappelons-nous ici que l’eau est primordiale pour le développement et le maintien de la vie !

Carte montrant les deux stations de mesures de la Sorge et de la Chamberonne
Carte montrant l’emplacement de la station de mesure du Flon-Morand

Déroulement des ateliers

Armé·e·s de leurs sourires, malgré les violentes pluies du mois de mai pour le premier des groupes, les participant·e·s sont venu·e·s par demi-classes afin d’effectuer les prélèvements après avoir étudié le cycle de l’eau en cours de biologie. Avant de se jeter à l’eau, une brève explication sur la méthode de prélèvements leur a été donnée par les encadrants alors présents. Puis, récipients, épuisettes et pinceaux en mains, les pêches furent rondement menées et fructueuses, les récipients s’emplissaient d’êtres vivants qui avaient été délogés du lit de la rivière.

Résultats et discussion des résultats

L’observation et le dénombrement des différents individus de chaque espèce pêchées et ensuite rapportés dans la grille d’évaluation de la qualité des cours d’eau présente dans le document prévu à cet effet (cf. premier paragraphe) a permis d’avoir un aperçu sur la santé des écosystèmes aquatiques qui faisaient l’objet de ces ateliers. Les résultats montrent divers états de la santé des rivières en fonction du lieu d’échantillonnage. La rivière présentant la pollution la plus critique est la Mèbre, avec des indices de qualité dont les valeurs étaient respectivement de 2.45 et de 2.51. En seconde place, avec une pollution se trouvant à mi-chemin entre modérément polluée et faiblement polluée, se trouve le cours d’eau du Flon-Morand avec des indices de qualité de l’eau prenant les valeurs de 2.09 et 1.98. Dans cette rivière, un carassin doré (Carassius auratus, communément appelé poisson rouge) – étant une espèce invasive – a été pêché sans remise à l’eau. La rivière présentant au lieu d’échantillonnage la pollution la plus faible est la Chamberonne avec comme deux valeurs d’indice de qualité 1.89 et 1.73 qui traduisent un cours d’eau faiblement pollué.

Photographie du carassin doré (Carassius auratus) pêché dans le Flon-Morand.

La tendance des résultats observés semble montrer, malgré le faible nombre de mesures effectuées dans le temps lors de ces ateliers, qu’une certaine stabilité des concentrations de polluants existe au sein de chaque cours d’eau. Cette stabilité de la charge de pollution qui est constamment charriée vers l’exutoire (et donc dans le lac Léman) peut constituer une observation de base quant aux pratiques humaines se trouvant aux abords des rivières concernées, mais également réparties d’une manière générale sur l’entièreté du bassin versant traversé par le cours d’eau. Bien qu’il soit impossible à ce stade de le prouver, il se peut que les concentrations en polluants indirectement observées aient été engendrées par des pollutions ponctuelles, accidentelles ou non, mais le manque de mesures réparties dans le temps ne permet pas d’émettre de conclusion à ce sujet. Il s’agit pour la suite de réfléchir à quelles pourraient être les pratiques à adopter dans une optique de préservation de la santé des cours d’eau et des écosystèmes qui y sont associés, car sur l’entièreté des mesures effectuées sur les trois rivières de l’atelier, la pollution était belle et bien présente.

Réflexion et discussion des élèves sur la protection des cours d’eau et sur les résultats :

Résultats en main, les élèves ont eu deux heures pour réfléchir, par groupes de quatre, aux thématiques suivantes :

« Quelles sont vos propositions pour protéger le Flon Morand, la Chamberonne et la Sorge en tenant compte des difficultés de gestion intercommunale et des aspects économiques ? »

« Quelles sont vos propositions pour protéger de manière utopique ces rivières ? »

La méthode choisie pour répondre à ces questions ouvertes a été la méthode des six chapeaux (De Bono, 1985). Celle-ci cherche à faciliter la réflexion en groupe en subdivisant chaque réflexion selon cinq approches distinctes (le premier chapeau ayant été introduit pour présenter la méthode des six chapeaux). Les approches distinctes et donc les chapeaux choisis préalablement pour répondre à ces questions ont été les suivants :

Illustrations des six chapeaux de la méthode utilisée

Chapeau blanc ; de quelles informations avons nous besoin:

  1. L’eau est polluée et peu d’aide et de prévention existent à ce sujet. Mettre la problématique de la protection des rivières sur le devant de la scène.
  2. Il y a une nécessité à connaître l’état des eaux et des agissements à mettre en place pour améliorer la qualité des rivières.
  3. Identifier de manière précise les différentes sources de pollutions et quantifier leur impact sur les écosystèmes.
  4. Suivre régulièrement la qualité des cours d’eau et rendre les faits visibles.
  5. Finalement, les informations on les a déjà.

Chapeau noir ; que manque-t-il?

  1. En parler plus, développer des activités pour intéresser la population et notamment les jeunes dans le but de les motiver à la cause de la protection des rivières.
  2. Rendre disponible des fonds étatiques ou cantonaux pour les protéger efficacement.
  3. Un cadre juridique strict sur la problématique ; moyens et actions juridiques pour lutter contre les abus.
  4. Un réel intérêt pour la société envers la protection des rivières.
  5. Une cohésion entre les entités politiques, sociales et économiques locales.
  6. Des investissements dans les technologies d’épuration des eaux.
  7. Des associations, comprenant ou non des participations bénévoles, de protection des rivières de la faune et de la flore locale.
  8. Nécessité de mettre en place des organes d’intelligence collective pour parer aux problèmes.
  9. Une motivation générale des communes pour protéger les rivières.
  10. Des études approfondies sur les sources de pollution des rivières.et qui comprennent un monitoring sur celles-ci.

Chapeau vert ; quoi et comment faire autrement, mieux, ou plus simple?

  1. Favoriser le développement de projets encadrés en lien avec des associations et des organes spécialisés externes pour promouvoir le problème dans les milieux éducatifs.
  2. Mettre en place des moyens de transmission d’information pour renseigner au mieux la population sur les écosystèmes qui l’entourent tout en favorisant sa diffusion au plus large public.
  3. Mettre en place des investissements massifs dans le domaine de l’épuration de l’eau pour mettre à jour les différentes infrastructures en lien avec son traitement.
  4. Changer la vision du monde en la faveur d’un intérêt commun qui porte sur la préservation de la nature et utiliser la force de l’intelligence collective pour surmonter les difficultés rencontrées en cours de route.
  5. Obliger les programmes scolaires mettre en place des activités en lien avec la connaissance de la nature au sens large. Ces activités doivent être librement partagées afin de garantir une meilleure diffusion.
  6. Changer les habitudes de la population et donc réfléchir à un changement de mode de vie qui serait en adéquation avec la nature.
  7. Consulter les agriculteurs pour limiter l’utilisation d’engrais et de pesticides pour éviter de porter atteinte aux rivières.
  8. Mise en place de zones de réserves naturelles avec l’interdiction de passage pour empêcher le publique de s’y rendre.
  9. Les gens doivent être renseignés sur la rivière qui se trouve près de chez eux.

Chapeau jaune ; Pourquoi agir? Et pourquoi cela va-t-il produire un résultat?

  1. La motivation et la prise de conscience de la population face aux problèmes liés à l’écosystème des rivières et plus généralement de la faune et de la flore locale peut amener à une meilleure écoute des communes et des cantons dans un but de protection. Cette prise de conscience peut être simplifiée par la facilité actuelle de communication et de diffusion de l’information par le biais de nombreuses plateformes.
  1. La force de l’intelligence collective et la volonté de maintenir un lieu de vie et un environnement sain. D’autant plus que l’eau est un élément vital et le maintien de sa qualité est nécessaire pour la santé de l’espèce humaine et de toute la vie associée à cet écosystème.
  2. Une envie de changement est présente et comprend une meilleure considération de la nature et de son respect.
  3. Il faut motiver les gens à s’intéresser aux rivières et à la forêt en leur offrant un cadre permettant de s’y rendre. Cela pourrait se faire avec un accompagnement de spécialistes de la nature afin de leur faire prendre conscience des éléments naturels qui les entourent.

Chapeau orange ; Quel est votre ressenti, quelles sont vos convictions ?

  1. La démarche de sensibilisation à l’environnement peut engendrer un changement profond du mode de fonctionnement de la société ; pour cela il faut aborder le sujet de manière récurrente afin de susciter une motivation du grand public. Il s’agirait de vivre en harmonie avec la nature pour le bénéfice de toutes et tous.
  1. Un optimisme vis-à-vis des problèmes en lien avec la thématique et une envie de trouver des solutions efficaces pour protéger au mieux les rivières.
  2. Il faut avoir confiance car le monde change et qu’une tendance à travailler ensemble apparaît au travers de l’intelligence collective. La population est capable, bénévolement, de mettre en œuvre des actions pour améliorer la qualité des rivières.
  3. Une solution va être trouvée malgré le peu de moyen financier mis à disposition pour la protection des rivières, car l’argent n’est pas le seul facteur qui peut agir sur le sujet.
  4. Il s’agit d’une urgence ; on vit actuellement la 6ème extinction de masse de la biodiversité. Il pourrait y avoir des guerres de l’eau. Il est donc important d’investir dans les sources d’eau en mettant en place des stratégies pour protéger nos rivières et nos fleuves. Nous vivons sur la planète bleue ; il serait un comble pour nous de ne plus avoir d’eau potable car il s’agit de notre santé et donc de notre vie. En établissant des règles, nous avons le choix de vivre dans un monde ou l’eau restera une ressource abondante malgré sa préciosité.

Afin de clôturer la discussion, voici quelques questions que les élèves souhaiteraient poser aux entités qui s’occupent de la protection des eaux :

  1. Quel est votre point de vue sur le réchauffement climatique ?
  2. Quelles sont vos solutions pour prévenir la pollution des eaux afin de protéger les écosystèmes ?
  3. Avez-vous déjà des projets en cours de route ?
  4. Quelle est l’évolution des cours d’eau depuis 1900 ?
  5. Pensez-vous vraiment être en train de faire une différence en vous comparant aux non-changements précédents ?
  6. Le taux de pollution des cours d’eau augmente-t-il chaque année ?
  7. La quantité d’espèces animales diminue-t-elle chaque année ?
  8. Y’a-t-il une encore une grande diversité d’animaux ?
  9. Que pourrions-nous faire quotidiennement pour ne pas mettre en péril la santé des écosystèmes ?
  10. Le manque de moyens financiers est-il un motif d’inaction dans la mesure où les actions pour la nature et le climat sont dans l’ensemble et à long terme rentables ?
  11. Seriez-vous d’accord de boire un bon verre d’eau de votre rivière ?

Conclusion des ateliers

Par la discussion qui a été formulée et par les propos des différents groupes de réflexion, il apparaît plusieurs points paraissant comme essentiels pour assurer la préservation des cours d’eau. Ces points sont les suivants : (1) assurer la mise en œuvre du développement et/ou de l’installation de technologies d’épuration de l’eau pouvant faire face aux pollutions subies par les rivières. (2) Mandater des organes à prestance scientifique et à vocation éducative dans le but de développer une sensibilisation à l’environnement. Celle-ci pourrait être transmise au sein d’un cursus pédagogique comme l’école ou bien être accessible au public par la participation à des journées mises en place par différentes associations qui seraient aidées financièrement. Ces excursions pourraient être développées dans une optique de servir à la fois comme une sensibilisation et comme un monitoring de l’évolution de la qualité de l’eau de la rivière. (3) Favoriser un accompagnement des agriculteurs dans une optique de minimiser les apports en engrais et en produits phytosanitaires pour éviter l’écoulement des surplus dans les rivières. Également, (4) créer des zones de protection de la rivière en créant des espaces de réserves naturelles. Enfin, (5) poser un cadre juridique adapté à cette problématique ; il serait possible, par exemple, de considérer certaines « entités » environnementales, comme les rivières, en leur attribuant des droits comme certains pays le font dont l’Equateur depuis 2008 (Hillebrecht & al., 2017).

Bien que la liste de ces différentes opérations à effectuer selon le point de vue de la classe semble longue à réaliser, elle n’est toutefois certainement pas exhaustive. Quoi qu’il en soit, la mise en place de réflexions et d’actions collectives pour la préservation de l’environnement – dans ce cas-ci des rivières – pourrait permettre d’améliorer la visibilité du problème et ainsi mettre la santé de l’environnement au cœur des discussions actuelles. Ainsi, il pourrait devenir plus aisé d’avoir des dialogues efficaces entre les acteurs, comme les communes et cantons pour mettre en place les stratégies nécessaires les plus adaptées et allouer une partie de leurs fonds pour assurer à tout le monde l’accès à un avenir sain et une eau propre.

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