Une fosse pédologique ouverte à Pully !

Vous avez dit fosse pédologique ?

Une fosse pédologique est un trou d’au moins 1 mètre sur 1 mètre et d’une profondeur allant jusqu’à la roche-mère du sol si possible. La profondeur d’un sol peut donc varier de quelques centimètres à plus d’1 mètre! Un fosse pédologique permet d’étudier un profil de sol, soit une coupe verticale qui permet d’observer les différentes couches et composantes du sol en fonction de la profondeur.

Le sol est une matière organo-minérale (organique, venant de la vie et ayant une base chimique de carbone ; minéral, venant de la roche et ayant une base chimique de silice) et la proportion de matière organique diminue avec la profondeur et inversement pour la matière minérale. Le sol est donc une interface entre le vivant, la géologie, l’air et l’eau. Il est un écosystème en soi, très important pour le vivant (habitats multiples, socle et source de nutriment pour les végétaux, …) et donc aussi pour les humains. Nous en dépendons totalement, puisqu’il produit le 95% de toute notre alimentation et filtre et minéralise l’eau pour la rendre buvable. Aussi, et non sans importance, il est la mémoire de l’évolution du paysage sur des temps millénaires.

 

La fosse pédologique du Bois de la Chenaula

Notre équipe est composée du service forestier de la commune de Pully et de L’éprouvette, le laboratoire Science et Société de l’UNIL. Nous nous trouvons dans les Bois de Chenaula au bord de la rivière de la Chandelar (point rouge sur la carte ci-dessous). La Chandelar, rejoingnant la Paudèze un peu plus en aval, descend des Bois du Jorat, lieu où naissent toutes les rivières désaltérant et rafraîchissant la région lausannoise et finissant leur course dans le Léman. Ces rivières à caractère torrentiel creusent le socle géologique constitué de molasse. Il y a différents types de molasse plus ou moins riches en sables indurés (grès), argiles indurées (marnes), matière organique (molasse à charbon), carbonates, fossiles… Ces roches sédimentaires sont le produit de l’érosion de la jeune chaîne de montagne alpine. Dans la région lausannoise, elles sont vieilles de 30 millions d’années pour les plus anciennes à 15 millions d’années pour les plus jeunes (Oligocène-Miocène). Lorsque l’érosion n’a pas mis à jour ces affleurements, une couche de sédiments glaciaires quaternaires (majoritairement würmienne – 115 000 à 11 700 ans) recouvre la molasse (Weidmann, 1988).

La nature de la géologie et la forte pente des coteaux du Lavaux, donnant aux rivières ce caractère torrentiel, rendent le sous-sol instable et propice aux glissements de terrain. Certains sont très anciens, comme le glissement de de Converney-Taillepied datant d’au moins 11 000 ans et concordant avec le retrait du glacier du Rhône (Noverraz et Weidmann, 1983). Sur ces grands glissements relativement stabilisés aujourd’hui, se déclenchent ponctuellement des glissements de terrain plus récents. En 1618, un évènement est reporté de la sorte: même la maison de La Conversion – soit le domaine Foscale – glissa“; puis en 1692 “trois poses de vignes commencèrent à s’esbouler et à tomber dans la Paudèze, dessoubs le moulin de la Rochetta” … Ces glissements sont souvent liés à l’urbanisation et à la construction de maisons, routes, rail, autoroute…

En ouvrant la fosse pédologique, nous tombons nous semble-t-il sur l’éboulis de 1936. Le fond est fait de gros blocs entourés de matière fine. La zone est fortement influencée par les glissements de terrain dont celui datant de 1983, ayant fait l’objet de nombreux aménagements (Norbert, 1990)

 

Intéressé·e·s pour venir avec vos élèves sur ce site d’étude ?

Le site d’étude est passionnant et à travers l’étude de ce sol, de nombreuses disciplines peuvent se croiser (histoire, géographie, biologie, chimie, physique, économie et aménagement du territoire…) et donc faire l’objet de projets soutenus et accompagnés par la structure cantonale S’enforester.

Voici quelques exemples de thématiques pour montrer le potentiel du terrain mais ce n’est évidemment pas une liste finie :

  • Gestion des risques sur un terrain propice aux glissements (topographie, nature de la roche, étude des archives urbanistiques, comportement de l’eau…)
  • Chimie, physique et biologie des sols en contexte carbonaté et de changements redox (spéciations du fer) en lien avec l’eau du sol
  • Le sol comme archive et mémoire du paysage ; tester différentes hypothèses et potentiellement utiliser des méthodes de datation pour évaluer l’âge des différents dépôts qui composent le sol

 

N’hésitez pas à nous contacter pour tout intérêt ou questions ici : senforester@unil.ch

 

Références

Norbert, Jean, 1990. Etude et stabilisation du glissement de la Chenaula-Chandelar. Ingénieurs et architectes suisses, 26, online.

Noverraz et Weidmann, 1983. Le glissement de terrain de Coverney-Taillepied (Belmont et Lutry, Vaud, Suisse). Bulletin des laboratoires de géologie, minéralogie, géophysique et du musée géologique de l’Université de Lausanne.

Weidmann, 1988. Notice explicative de la Feuille 1243 Lausanne, Atlas géologique de la Suisse 1:25000. Service hydrologique et géologique national.

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